Dans cette série d'articles sur la médiation civile et commerciale, nous allons explorer les différentes caractéristiques et applications de cette technique de règlement des différends. Tel que nous le verrons, la médiation comporte de nombreux avantages. En effet, la médiation permet une recherche de solutions plus complète aux conflits et litiges pouvant survenir notamment dans une relation contractuelle, d’affaires ou d’emploi. Elle a l’avantage d’être un moyen généralement plus rapide et moins coûteux que l’introduction d’un recours devant les tribunaux. De plus, la médiation est un processus confidentiel. Avant d’aller plus loin dans cette exploration, nous commencerons par mettre en contexte les développements récents de la médiation. Par la suite, nous irons plus en détails quant à ce qui définit la médiation.
Bien que la médiation soit utilisée depuis longtemps, elle est encore au début de son encadrement plus formel par les législateurs provinciaux et nationaux. Comme nous le verrons dans un autre article, son encadrement à l’international est en cours de formalisation notamment avec le processus de signatures de la Convention de Singapour[1] par les pays participants. Au Québec (Canada), c’est principalement l’entrée en vigueur du « nouveau » Code de procédure civile[2] en janvier 2016 et de celle de la Directive du ministre de la Justice[3] en août 2018 (et sa mise à jour en octobre 2019) qui encadrent le processus de médiation.
Qu’est-ce que la médiation? La médiation est un mode privé de prévention et de règlement des différends (« PRD ») choisis d’un commun accord par les parties intéressées dans le but de prévenir un différend à naître ou de résoudre un différend déjà né[4]. Il existe un éventail de mode privé de PRD dont la négociation et l’arbitrage.
Pour que l’on réfère à la médiation, il faut généralement la présence de cinq critères[5], soit : 1) la présence d’un tiers neutre et impartial (le médiateur), 2) la confidentialité, 3) le caractère libre et volontaire, 4) l’obligation des parties de négocier de bonne foi et 5) l’auto-détermination des parties.
Voyons donc sommairement la signification de ces 5 critères et leur importance.
1) La présence d’un tiers neutre et impartial :
Le médiateur est ce tiers neutre et impartial nécessaire pour que l’on soit dans un processus de médiation. Ainsi, le médiateur ne prend pas position et il n’a pas de pouvoir décisionnel. Il ne rend donc pas de jugement. Il est l’expert du processus de règlement. Ce sont les parties, d’un commun accord, qui choisissent le médiateur[6]. Par différentes techniques adaptées à chaque situation, le médiateur crée un climat de confiance afin que les parties puissent s’exprimer de manière constructive. Par le processus de la médiation, le médiateur amènera les parties vers des pistes de solutions concernant leurs différends.
Au Québec, il y a lieu de distinguer entre le médiateur accrédité et celui non-accrédité. En effet, le médiateur accrédité est celui qui répond aux meilleures pratiques en médiation au Québec[7]. Le médiateur accrédité reçoit son accréditation par l’un des quatre organismes reconnus par le ministère de la Justice, soit le Barreau du Québec, la Chambre des notaires du Québec, l’Institut de médiation et d’arbitrage du Québec (IMAQ) et l’Université de Sherbrooke[8].
De plus, le médiateur accrédité ne peut être contraint de dévoiler les informations reçues lors de la médiation dans le cadre d’une procédure arbitrale, administrative ou judiciaire[9]. Ce dernier élément nous amène au prochain critère qui est celui de la confidentialité.
2) La confidentialité :
Tout comme pour le médiateur accrédité, les participants à la médiation bénéficient du privilège de non-contraignabilité[10]. Par conséquent, les participants ne peuvent être contraints de dévoiler ce qui a été dit ou dont ils ont eu connaissance lors de la médiation.
De plus, les participants s’engagent à préserver la confidentialité de ce qui est dit, écrit ou fait au cours du processus de médiation[11]. Par conséquent, aucun participant ne pourra utiliser ces éléments dans un autre cadre que celui du processus de médiation, à moins d’une entente spécifique à ce sujet. Les participants à la médiation peuvent donc échanger en pleine confiance.
3) Le caractère libre et volontaire :
Ce sont les parties qui décident d’aller ou non en médiation pour tenter de régler leur conflit[12]. Cela signifie également que même lors du processus de médiation, l’une ou l’autre des parties peut décider de mettre fin à la médiation pour les raisons qui lui sont propres[13].
Dans certaines juridictions à l’extérieur du Québec, il arrive que le processus judiciaire impose un passage obligé en médiation comme en Ontario (Canada)[14]. Ainsi, les avis divergent quant à l’efficacité d’une telle obligation. Il est évidemment conseillé de faire la vérification dépendamment des règles applicables quant à la juridiction du litige, le cas échéant.
4) L’obligation des parties de négocier de bonne foi :
Dans le cadre de la médiation, les parties doivent négocier de bonne foi[15]. Cela signifie qu’elles doivent faire preuve de transparence l’une envers l’autre quant à notamment l’information qu’elles détiennent[16]. Elles doivent aussi coopérer activement à la recherche de solutions[17].
Ainsi, la médiation ne sert pas de prétexte pour effectuer une « partie de pêche ». C’est-à-dire se servir de la médiation pour tenter de soutirer des aveux ou des documents pouvant servir dans le cadre du conflit actuel ou d’un conflit futur.
5) L’auto-détermination des parties :
Contrairement à l’arbitrage ou le recours devant les tribunaux, le médiateur ne rend pas jugement à la fin du processus de médiation. En effet, ce sont les parties qui prennent la décision d’accepter ou non une entente mettant fin au conflit.
Lors du processus de médiation, ce sont les parties qui vont proposer des pistes de solutions adaptées à leur réalité. Elles peuvent demander au médiateur d’élaborer avec elles des propositions pour prévenir ou régler leur conflit[18]. Ultimement, ce sont les parties qui décident si les solutions élaborées lors de la médiation sont mutuellement satisfaisantes et si elles permettent de régler le conflit.
Dans l’éventualité où les parties parviennent à une entente, cette dernière pourra être constaté par une transaction[19]. Sommairement, la transaction est un contrat par lequel les parties règlent leur conflit et a entre elles, l’autorité de la chose jugée[20]. Cette transaction pourra être homologuée par un tribunal afin d’avoir la même force exécutoire d’un jugement[21].
En conclusion, nous avons fait un survol des cinq critères qui définissent la médiation. Il est intéressant de constater que le processus de médiation procure une flexibilité aux parties dans la recherche de solutions à leur différend. Au lieu d’obtenir un jugement sur un point spécifique en droit devant les tribunaux, cette approche permet d’élargir le spectre de solutions et de possiblement prévenir des conflits futurs tout en préservant la relation entre les parties. Au surplus, le tout peut se dérouler plus rapidement et à moindre coûts que devant les tribunaux.
Dans nos prochains articles, nous allons continuer cette exploration des avantages de la médiation dans des contextes spécifiques. Nous verrons notamment les avantages de la médiation dans le contexte commercial international.
Simon Blais est médiateur accrédité en matière civile, commerciale et travail. Il accompagne les parties dans le cadre de la prévention et la résolution des différends.
RÉFÉRENCE :
[1] Convention des Nations Unies sur les accords de règlement internationaux issus de la médiation (Convention de Singapour sur la Médiation), adopté le 20 décembre 2018 et ouverture à la signature le 7 août 2019, accessible au https://uncitral.un.org/fr/content/convention-des-nations-unies-sur-les-accords-de-r%C3%A8glement-internationaux-issus-de-la, en date du 5 mars 2020
[2] Code de procédure civile (C.p.c.), RLRQ c C-25.01;
[3] Reconnaissance des organismes accréditeurs en médiation civile : Directive encadrant le pouvoir discrétionnaire du ministre de la Justice, entrée en vigueur le 22 août 2018 et dernière mise à jour le 4 octobre 2019, accessible au https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/justice/publications-adm/directives/DIR_organ_PRD_MJQ.pdf, en date du 5 mars 2020.
[4] Article 1 C.p.c.
[5] Articles 1 à 7 et 605 à 615 C.p.c. ; BÉRIAULT, Thierry, « L’approche intégrative à la pratique de la médiation » dans le médiateur professionnel en action et en mots, sous la direction de Eric Battistoni, Michèle Lenoble-Pinson et Federic Oudin, L’Harmattan, Paris, 2014, p. 13.
[6] Article 3 C.p.c.
[7] Voir Répertoire des médiateurs civils accrédités au https://www.justice.gouv.qc.ca/vos-differends/modes-de-prevention-et-de-reglement-des-differends-prd/la-mediation/repertoire-des-mediateurs-civils-accredites/, en date du 5 mars 2020.
[8] Id.
[9] Article 606 C.p.c.
[10] Id.
[11] Article 4 C.p.c.
[12] Article 2 C.p.c.
[13] Article 614 C.p.c.
[14] Règle 24.1, Règles de Procédure Civile (Ontario), R.R.0. 1990, règlement 194
[15] Article 2 C.p.c.
[16] Id.
[17] Id.
[18] Article 605 C.p.c.
[19] Article 613 C.p.c.
[20] Articles 2631 à 2637 C.c.Q.
[21] Article 528 C.p.c.
« La médiation est un mode privé de prévention et de règlement des différends (« PRD ») choisis d’un commun accord par les parties intéressées dans le but de prévenir un différend à naître ou de résoudre un différend déjà né. »
« Pour que l’on réfère à la médiation, il faut généralement la présence de cinq critères, soit :
1) la présence d’un tiers neutre et impartial (le médiateur),
2) la confidentialité,
3) le caractère libre et volontaire,
4) l’obligation des parties de négocier de bonne foi et
5) l’auto-détermination des parties. »
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