C’est bien connu, de longs délais sont à prévoir entre l’introduction d’un recours devant les tribunaux et le moment du procès. En temps régulier, les parties peuvent attendre de 2 à 4 ans avant de pouvoir finalement procéder devant un juge de la Cour supérieure du Québec pour l’audition de leur cause au fond en matière civile[1]. Divers facteurs peuvent expliquer ces délais, notamment le manque de ressources du système judiciaire[2].
Au moment d’écrire cet article, la situation de pandémie découlant de la COVID-19 continue d’affecter profondément les activités économiques, incluant le déroulement des activités judiciaires. Au Québec seulement, il y aurait déjà près de 600 procès reportés depuis mars 2020 et ce, seulement pour la juridiction de la Cour supérieure[3]. Déjà vers la fin avril 2020, le juge en chef de la Cour supérieure demandait la nomination de 15 nouveaux juges pour combler les retards qui s’accumulent durant la pandémie[4].
Devant cette situation, il est important de souligner que la médiation offre des solutions à ce problème. Dans le cadre de notre série d’articles sur la médiation, nous allons maintenant explorer plusieurs des avantages de ce mode de règlement des différends et ce, spécialement dans un contexte où les délais devant les tribunaux ne font que s’accentuer.
1) Rapidité de la médiation :
De manière générale, dès que les parties s’entendent sur le choix du médiateur et que tous trouvent des disponibilités communes, le processus de médiation peut débuter. Ainsi, on peut parler de quelques semaines (et même quelques jours si la situation l’exige) avant de débuter la médiation.
Si la médiation permet l’atteinte d’une entente entre les parties, leur différend pourrait donc être réglé en quelques semaines ou quelques mois contrairement à des années devant les tribunaux.
Il est important de rappeler que la médiation peut même débuter pour prévenir un différend[5]. En effet, avant même que le différend ne devienne un litige devant les tribunaux, les parties peuvent décider de recourir à la médiation pour tenter de résoudre celui-ci.
2) Flexibilité de la médiation :
La flexibilité du processus de médiation est l’une des raisons principales expliquant sa rapidité. Examinons donc différentes composantes de cette flexibilité.
Premièrement, l'horaire de la médiation peut être aménagé en fonction des disponibilités communes des parties et non seulement en fonction des disponibilités des tribunaux. En effet, rien n’empêche les parties et le médiateur d’aménager le déroulement de la médiation sur des journées et des plages horaires qui répondent à leurs besoins. Par exemple, si les parties ne peuvent procéder qu’en après-midi et soirée ou encore la fin de semaine, il est possible d’adapter les séances de médiation en respectant les contraintes de chacun.
Deuxièmement, le processus de médiation peut se dérouler de manière virtuelle[6]. Ainsi, les temps de déplacement de tous peuvent être réduits considérablement sinon totalement. Que ce soit dans le cadre d’un différend entre parties résidant dans des villes ou des pays différents, il s’agit là d’un avantage considérable de la médiation.
Troisièmement, la médiation peut se dérouler avec les parties seules et sans que celles-ci n’aient besoin d’être accompagnées par des avocats. Ceci n’est pas applicable à toutes les situations, mais il est intéressant de noter qu’il s’agit d’une option. Dans les dossiers plus complexes, la représentation et l’accompagnement des parties par avocats pourra s’avérer bénéfique et/ou nécessaire. Il est important de rappeler que le médiateur est un tiers neutre et impartial et que notamment, il ne peut pas conseiller individuellement les parties[7].
Un autre avantage de la médiation est la possibilité d’être plus souple dans la « procédure ». Par exemple, la communication de documents se rapportant au différend peut se faire rapidement, notamment par l’utilisation d’outils informatiques, sans devoir passer par les procédures formelles de communication et notification devant les tribunaux[8].
En raison de la situation actuelle découlant de la COVID-19[9], il est possible que certaines parties hésitent à faire progresser la résolution de leur différend. En effet, vu que plusieurs différends se règleront avec une composante financière, certaines parties peuvent émettre des réserves quant à avancer de l’argent pour régler un dossier alors qu’il plane une grande incertitude économique.
Dans le cadre du processus de médiation, il est possible pour les parties de décider conjointement de suspendre les questions financières jusqu’à la rencontre de certaines conditions. Ainsi, elles pourront faire avancer grandement la résolution de leur conflit tout en conservant l’opportunité de régler les dimensions monétaires lorsque les conditions seront propices.
Finalement, si les parties ne parviennent pas à une entente en médiation, elles pourront suspendre le processus et introduire un recours judiciaire pour protéger leurs droits, notamment quant à la prescription[10]. Il existe plusieurs combinaisons possibles dont l’introduction d’un recours judiciaire, la suspension de celui-ci et tenter la médiation en parallèle. Le tout démontre la flexibilité du processus. Dans tous les scénarios, rappelons que le processus de médiation est confidentiel et que le privilège de non-contraignabilité s’applique aux parties et au médiateur accrédité[11].
3) Réduction des coûts pour toutes les parties :
Le fait de pouvoir procéder rapidement en médiation procure plusieurs avantages en soi, dont la réduction des coûts pour les parties. À ce titre, plusieurs types de coûts pourront être réduits grâce à la médiation. On peut penser notamment à la réduction des frais de procédures judiciaires.
En règle générale, les coûts de la médiation sont partagés à parts égales entre les parties. Ainsi, dans un processus de médiation impliquant quatre parties, les honoraires du médiateur et les frais de la médiation (ex : location de salles) seront le quart pour chacune des parties, à moins d’une entente différente. Il s’agit donc d’un processus où chacune des parties épargnent des frais.
Dans plusieurs cas, un différend qui n’est pas réglé en temps opportun peut créer d’autres conflits ou situations onéreuses. Par exemple, une entreprise qui doit attendre plusieurs années avant de faire trancher un litige avec l’un de ses fournisseurs pourrait se retrouver dans une situation financière difficile (voir la faillite) ou encore perdre des parts de marchés. Paradoxalement, même le fournisseur dans notre exemple pourrait se retrouver dans une situation similaire en raison d’un litige qui perdure. Conséquemment, procéder rapidement en médiation et arriver à une entente pourrait éviter plusieurs coûts directs ou indirects pour l’ensemble des parties.
Tel que mentionné précédemment, l’utilisation de moyens technologiques, dont la médiation virtuelle, est une autre façon de réduire les coûts. Évidemment, l’opportunité de procéder sans avocat pourrait également réduire la facture totale dans les situations qui s’y prêtent.
Dans le cadre d’un différend international, on peut présumer une réduction de coûts encore plus importante. Par exemple, les parties pourront possiblement éviter les questions de compétences juridictionnelles devant les tribunaux. En effet, la médiation permet de régler l’ensemble du litige international. Au surplus, la transaction en découlant aura une force exécutoire dans la très grande majorité des pays signataires de conventions internationales, notamment la Convention de Singapour[12].
En conclusion, face aux délais judiciaires qui continueront de s’accentuer, la médiation offre des solutions intéressantes. En effet, la médiation est un processus rapide, flexible et généralement moins onéreux que le cheminement traditionnel devant les tribunaux judiciaires.
Simon Blais est médiateur accrédité en matière civile, commerciale et travail. Il accompagne les parties dans le cadre de la prévention et la résolution des différends. Il offre également les services de médiation virtuelle tout en s'assurant de la sécurité et de la confidentialité du processus.
RÉFÉRENCE :
[1] Cour supérieure du Québec : Rapport d’activités 2010-2014, Une cour au service des citoyens, accessible au http://www.tribunaux.qc.ca/c-superieure/RapportActivites_juillet_2015.pdf, en date du 13 mai 2020, p. 31.
[2] Id.
[3] TISON, Florence : « Déjà 600 procès reportés en Cour supérieure », Droit Inc., paru le 6 mai 2020, accessible au http://www.droit-inc.com/article26701-Deja-600-proces-reportes-en-Cour-superieure, en date du 13 mai 2020.
[4] TISON, Florence : « Le juge en chef demande 15 nouveaux juges », Droit Inc., paru le 21 avril 2020, accessible au http://www.droit-inc.com/article26630-Le-juge-en-chef-demande-15-nouveaux-juges, en date du 13 mai 2020.
[5] Voir BLAIS, Simon : « Qu’est-ce que la médiation? », Blais Services Juridiques Inc., paru le 10 mars 2020, accessible au https://blaislegal.ca/art-fra-mediation, en date du 13 mai 2020.
[6] Voir BLAIS, Simon : « La médiation virtuelle », Blais Services Juridiques Inc., paru le 20 mars 2020, accessible au https://blaislegal.ca/art-fra-med-virtuelle, en date du 13 mai 2020.
[7] Voir BLAIS, Simon : « Qu’est-ce que la médiation? », Blais Services Juridiques Inc., paru le 10 mars 2020, accessible au https://blaislegal.ca/art-fra-mediation, en date du 13 mai 2020.
[8] Voir notamment les articles 139,148 et 246 C.p.c.
[9] Allocution liminaire du Directeur général de l’OMS lors du point de presse sur la COVID-19 – 11 mai 2020, Organisation Mondiale de la Santé, accessible au https://www.who.int/fr/dg/speeches/detail/who-director-general-s-opening-remarks-at-the-media-briefing-on-covid-19---11-may-2020, en date du 13 mai 2020.
[10] Article 7 C.p.c.
[11] Voir BLAIS, Simon : « Qu’est-ce que la médiation? », Blais Services Juridiques Inc., paru le 10 mars 2020, accessible au https://blaislegal.ca/art-fra-mediation, en date du 13 mai 2020.
[12] Convention des Nations Unies sur les accords de règlement internationaux issus de la médiation (Convention de Singapour sur la Médiation), adopté le 20 décembre 2018 et ouverture à la signature le 7 août 2019, accessible au https://uncitral.un.org/fr/content/convention-des-nations-unies-sur-les-accords-de-r%C3%A8glement-internationaux-issus-de-la, en date du 13 mai 2020.
« …face aux délais judiciaires qui continueront de s’accentuer, la médiation offre des solutions intéressantes. En effet, la médiation est un processus rapide, flexible et généralement moins onéreux que le cheminement traditionnel devant les tribunaux judiciaires. »
« Si la médiation permet l’atteinte d’une entente entre les parties, leur différend pourrait donc être réglé en quelques semaines ou quelques mois contrairement à des années devant les tribunaux. »
« …l'horaire de la médiation peut être aménagé en fonction des disponibilités communes des parties et non seulement en fonction des disponibilités des tribunaux. »
« En règle générale, les coûts de la médiation sont partagés à parts égales entre les parties. »
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